Tirant ses origines du mouvement syndical, l'expression « transition juste » a été défendue ces dernières années par les syndicats, mais elle a également pris une place solide dans le discours politique mondial. Mais qu'entendent les syndicats par « transition juste » et comment y parvenir ? Comment intégrer les préoccupations centrées sur les travailleurs dans un vaste programme de changement social capable de répondre à la nécessité d'une transformation socio-écologique ?
Fin 2015, après plus d'une décennie de lobbying tenace auprès des négociateurs gouvernementaux, les représentants syndicaux dirigés par la Confédération syndicale internationale (CSI) ont réussi à faire figurer l'expression « transition juste » dans le préambule de l'Accord de Paris sur le climat négocié lors de la COP21. Le texte affirme « les impératifs d'une transition juste de la main-d'œuvre et de la création d'emplois décents et de qualité conformément aux priorités de développement définies au niveau national ».
Plus de deux ans se sont écoulés depuis la COP21 et des appels à une transition juste ont été lancés aux quatre coins de la communauté progressiste mondiale. Autrefois plus ou moins exclusivement une priorité syndicale, les appels à une transition juste apparaissent de plus en plus, sous diverses formes, dans les campagnes des grandes organisations environnementales, des ONG écologistes et de justice climatique, ainsi que des mouvements indigènes et paysans. Cependant, de manière inégale, la transition juste a commencé à figurer dans les discussions relatives à la politique et à la politique nationales, et les syndicats qualifient de plus en plus la période actuelle de « phase de mise en œuvre » de la transition juste.
La nécessité d'une politique intégrée et transformatrice
Les syndicats comprennent pour la plupart qu'ils doivent s'efforcer de développer une politique de transition juste qui réponde d'une manière ou d'une autre aux préoccupations immédiates des travailleurs tout en gardant à l'esprit la nécessité d'une transition pour l'ensemble de l'économie. Une transition « juste » du point de vue des travailleurs ou de « la main-d'œuvre », mais qui ne contribue pas à la réalisation de la transformation socio-économique nécessaire, ne permettra finalement pas de répondre aux préoccupations environnementales urgentes liées au climat et à des préoccupations écologiques plus larges. Par ailleurs, les politiques visant à favoriser une transformation socio-économique qui sont suffisamment robustes pour atteindre les objectifs climatiques et environnementaux, mais qui ignorent l'impact sur les travailleurs de sites ou de secteurs spécifiques, risquent de ne pas pouvoir obtenir le soutien des travailleurs dont une telle transformation a besoin pour réussir.
« Dialogue social » ou « pouvoir social » ?
Dans ce onzième document de travail du TUED, nous soutenons que, pour atteindre efficacement cet éventail complet d'objectifs, le mouvement syndical international doit collectivement formuler et poursuivre une approche globale et intégrée. Cela nécessite un examen sérieux des origines et de l'état actuel des débats sur la transition juste.
Les syndicats à tous les niveaux du mouvement syndical international reconnaissent qu'une transformation en profondeur de notre économie et de notre société est urgente. Mais l'insistance à maintenir le « dialogue social » au centre de ces discussions place les débats syndicaux dans le cadre du discours de l'establishment commercial libéral et d'une interprétation très étroite et démobilisatrice de la transition juste. Ancré dans les réalités particulières de l'Europe d'après-guerre, le dialogue social a effectivement été élevé au rang d'idéologie officielle ces dernières années, une idéologie qui est de plus en plus en décalage avec les défis auxquels sont confrontés les travailleurs et leurs organisations et les demandes d'action pressantes posées par la crise climatique et écologique en général.
Ce document plaide en faveur d'une conversation syndicale différente et plus approfondie, capable de répondre aux préoccupations des travailleurs tout en favorisant une transformation socio-économique plus profonde. C'est ce que nous appelons l'approche du « pouvoir social ». Cette approche est guidée par la conviction qu'une transition juste ne peut être réalisée sans une profonde restructuration de l'économie politique mondiale. Les relations de pouvoir et de propriété existantes doivent être remises en question et modifiées. Il s'agit, bien entendu, d'une tâche extrêmement difficile. Mais si cela ne se produit pas, la grande majorité des travailleurs du monde entier ne verront jamais rien qui ressemble vaguement à une transition juste. Nous pouvons au moins commencer par reconnaître ouvertement que cela doit être l'objectif à long terme de notre mouvement, puis nous organiser en conséquence.
Le document propose des exemples provenant du monde entier qui illustrent la cohérence de cette nouvelle approche dans les luttes syndicales quotidiennes, ainsi qu'au niveau des idées au sein de la gauche politique.
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